Suite (et fin ?) de la saga sur la double taxation des dividendes français

juin 2024 /

Dans un article publié sur notre blog en mai 2021, nous évoquions la problématique de la double taxation des dividendes de source française versés à des résidents fiscaux belges. 

PREAMBULE

En substance, lorsqu’un résident fiscal belge reçoit un dividende de source française, le pouvoir d’imposition appartient au pays de résidence du contribuable, la Belgique (imposition au précompte mobilier de 30 %), mais l’État de source du dividende, la France, prélève également une retenue à la source (12,8 %). Le précompte mobilier belge est alors calculé sur le montant « net frontière » de dividende (c’est-à-dire sur le montant brut auquel est déduit la retenue à la source française). Autrement dit, sur un dividende brut français de 1.000 euros, le contribuable belge reçoit donc un montant net de 610,40 euros (taux d’imposition final de 38,96 %). 

Afin de limiter cette double imposition, la convention franco-belge prévoit actuellement l’imputation d’une quotité forfaitaire d’impôt étranger (QFIE) de 15 % sur le montant « net frontière ». Ainsi, le contribuable belge devrait pouvoir récupérer 15 % au niveau de l’impôt dû en Belgique, ce qui permettrait d’obtenir un dividende net de 741,20 euros (taux d’imposition de 25,88 % au lieu de 38,96 %). Or, la convention en vigueur à ce jour précise que cette imputation s’opère « dans les conditions fixées par la législation belge », ce qui est problématique puisque la notion de QFIE a été supprimée par le législateur belge en 1988. Il en ressort que les résidents belges se retrouvent très lourdement taxés lorsqu’ils perçoivent des dividendes de source française puisqu’ils ne peuvent pas bénéficier de l’application de la QFIE.

EVOLUTIONS RECENTES

Cette situation, largement préjudiciable pour les contribuables belges, a été sanctionnée à de nombreuses reprises par plusieurs arrêts de la Cour de Cassation (le premier datait de 2017). Ceux-ci ont à chaque fois rappelé la primauté de la convention franco-belge sur la législation nationale et donc l’obligation de la Belgique d’accorder l’imputation de la QFIE en cas de versement de dividendes de source française à un résident belge. 

Malgré une position claire de la Cour, l’Administration belge ne se contentait pas de l’accepter et dans une circulaire du 28 mai 2021 elle précisait que la possibilité de l’imputation de la QFIE n’était applicable que si les dividendes français avaient été repris dans la déclaration à l’impôt des personnes physiques, même si ceux-ci avaient été versés  sur un compte bancaire en Belgique (et donc soumis au précompte mobilier libératoire). Autrement dit, selon les exigences administratives, si les dividendes (qu’ils aient été précomptés ou non) n’avaient pas fait l’objet d’une déclaration à l’impôt des personnes physiques, l’administration fiscale belge refusait l’imputation de la QFIE sur l’impôt belge.

Dans des arrêts du 23 novembre 2023, la Cour de Cassation a une nouvelle fois rappelé l’obligation de la Belgique d’appliquer un crédit d’impôt minimum de 15 % (QFIE) en vertu de l’application de la convention franco-belge. La Cour a ensuite précisé que ce crédit de QFIE ne devait pas être subordonné au fait que les dividendes aient été repris ou non dans la déclaration à l’impôt sur les personnes physiques. Ces arrêts viennent donc contrer la position de l’Administration en soutenant que l’application de la QFIE ne devait pas être conditionnée à une procédure déclarative et de surcroît si aucun texte ne le prévoit clairement.

Ainsi, suite à la publication de ces arrêts, l’Administration fiscale n’est plus autorisée à exiger des contribuables belges qu’ils reprennent dans leur déclaration d’impôts les dividendes français déjà précomptés par leur banque belge afin d’accorder le bénéfice de la QFIE. Seule une réclamation introduite par le contribuable est suffisante. 

En pratique, il semblerait que le délai dans lequel cette réclamation doit être introduite soit de 5 ans, ce qui signifie que les contribuables ont la possibilité de demander l’application de la QFIE pour les dividendes précomptés et non déclarés perçus depuis 2019. 

Cette nouvelle jurisprudence devrait également permettre aux contribuables qui ont déjà introduit des réclamations de présenter de nouveaux arguments pour obtenir gain de cause.

Si cela n’a pas déjà été fait, nous vous conseillons de reprendre vos dividendes de source françaises dans votre déclaration fiscale et/ou d’introduire une réclamation pour les dividendes précomptés et non déclarés depuis 2019.

EVOLUTIONS FUTURES

A noter enfin que la nouvelle convention franco-belge, qui devrait entre en vigueur au plus tôt en 2025, mettra fin à toute discussion puisque ce mécanisme de crédit d’impôt sera tout simplement supprimé. La pression fiscale sur les dividendes de source française pour un résident fiscal belge s’élèvera donc à 38,96 % contre 30 % pour un dividende de source belge. Affaire à suivre …