Belgique : vers une nouvelle taxe sur les comptes-titres ?

novembre 2020 /

Belgique, fiscalité, impôt sur la fortune, portefeuille, valeurs mobilières, patrimoine

Suite à un avant-projet de loi, une nouvelle taxe annuelle sur les comptes-titres également appelée « contribution de solidarité » pourrait être introduite. Cette nouvelle taxe ayant pour but d’aller chercher des moyens supplémentaires pour les soins de santé a en effet été approuvée par le conseil des ministres et est maintenant soumise au Conseil d’État.

Quel est le traitement fiscal actuel des comptes-titres ? 

Actuellement, les résidents fiscaux belges et les résidents fiscaux étrangers détenteurs d’un compte-titres en Belgique sont taxés sur les revenus que produisent ces placements à hauteur d’un taux fixe de 30 %, qu’on appelle le précompte mobilier. 

Quel sera le traitement fiscal si la « contribution de solidarité » est introduite ? 

Si la nouvelle taxe est introduite, cela ne serait plus uniquement le revenu du capital qui ferait l’objet d’une taxation mais également la simple détention du capital lui-même.

Cette taxe, fixée à 0,15 %, serait prélevée directement par les banques et uniquement sur les comptes-titres de plus d’un million d’euros afin de viser uniquement les personnes qui ont la plus grande capacité contributive. Il s’agit en quelque sorte d’un d’impôt sur la fortune. 

Par mesure de précaution, l’avant-projet prévoit une mesure anti-abus visant l’évitement de la taxe via, par exemple, la division en plusieurs comptes-titres du capital pour motifs fiscaux.

Comment savoir si vous êtes visés par cette nouvelle taxe ? 

Cette dernière vise tous les instruments financiers (actions, obligations, dérivés, etc.) détenus sur un compte-titres de plus d’un million d’euros (y compris les comptes-titres sous-jacents à une assurance-vie branche 23) appartenant aux résidents fiscaux belges et aux non-résidents ayant un compte-titres en Belgique[1].

Par ailleurs, cette nouvelle taxe s’appliquera que les comptes-titres soient détenus par des particuliers, des entreprises (sociétés patrimoniales et holdings familiales) ou d’autres constructions juridiques étrangères. Il existe cependant une exception concernant les comptes-titres détenus dans le cadre d’une activité professionnelle (banques, etc.). 

Les actions nominatives ne seront, elles, pas concernées dans la mesure où elles ne figurent pas sur les comptes-titres mais dans le registre des actionnaires d’une société. Le but étant que l’effort demandé se fasse « dans le respect de l’entreprenariat » et d’épargner les PME familiales.

Où en est cet avant-projet de loi ? 

Le texte, sur lequel le conseil d’État dispose d’un mois pour se prononcer, doit encore passer le test du principe d’égalité garanti par la Constitution et la législation européenne.

Pour mémoire, la taxe sur les comptes-titres introduite par le gouvernement précédent en mars 2018 sous le gouvernement Michel avait été annulée par la Cour constitutionnelle un an et demi plus tard, le 17 octobre 2019 en ce que la Cour estimait que la taxe était discriminatoire à plusieurs égards.  

Le nouvel avant-projet de loi a répondu à certaines des remarques émises par la Cour Constitutionnelle lors de l’annulation de la version précédente. Tous les instruments financiers figurant sur un compte-titres entrent désormais indistinctement en ligne de compte et la taxe porterait sur le compte-titres lui-même directement et non plus sur le ou les titulaire(s). D’autre part, afin d’éviter la discrimination entre les comptes-titres qui ne dépassent pas un million d’euros et ceux qui sont à peine supérieurs à ce seuil, l’avant-projet de loi contient une règle correctrice par laquelle le montant de la taxe ne peut jamais dépasser 10 % de la différence entre la valeur du compte-titres taxable et un million d’euros.

Toutefois, l’avant-projet de loi présente encore de nombreuses similitudes (notamment en ce qui concerne le mode de recouvrement, la base de perception, la méthode de calcul et le taux) avec la loi de 2018 qui a été précédemment annulée. D’autre part, le fait que seuls les détenteurs de comptes-titres de plus d’un million d’euros soient visés pourrait être jugé contraire au principe constitutionnel d’égalité des Belges devant la loi au vu de la distinction entre les « moins d’un million d’euros » et les « plus d’un million d’euros ». 

Il est aussi important de noter que l’avant-projet de loi présente certaines difficultés techniques. Notamment entre les comptes-titres nationaux et internationaux, ce qui pourrait entrainer une autre violation du principe d’égalité garanti par la Constitution et la législation européenne et une violation du principe de libre circulation des capitaux.

Au vu de l’annulation de la version précédente de la taxe et des nombreuses interrogations que la nouvelle version pourrait encore soulever à la lumière de l’égalité des belges garantie par la constitution, il sera intéressant de voir ce qu’il adviendra de cette initiative …


[1] Les comptes-titres détenus en Belgique par non-résidents seront sujets à cette taxe uniquement s’il n’existe pas de convention préventive de double imposition entre la Belgique et leur État de résidence prévoyant le pouvoir exclusif de ce dernier en la matière (ce qui est par exemple le cas des Pays-Bas).